Page blanche

Étrange phénomène que cette page blanche
Chaque jour la noircis, chaque jour m'y épanche
Pourtant je la retrouve au matin toujours franche
Vierge de tous ces mots que la muse déclenche.

Je suis comme Sisyphe qui poussait son rocher
À peine arrivé, il faut recommencer
Il faut trouver les mots et aligner les phrases
Enchaîner chaque jour en évitant l’emphase.

Bien trouver son sujet, sans savoir où il mène 
N'avoir d'autre projet, que ces vers qu'on enchaîne 
Espérer qu'un lecteur trouvera à son goût 
Le brouet concocté ou le tendre ragoût.

Se dire que parfois il vaut mieux s'abstenir
Mais c'est plus fort que soi, il faut y parvenir
Voir jaillir sous ses doigts une nouvelle histoire 
C'est plus fort que pudeur, mais sans rêve de gloire.

Alors la page blanche est ma meilleure amie
C'est à elle que toujours d'abord je me confie
Je lui dit les mots tendres que n'ose prononcer
Et l'espoir qui me vient de tout recommencer.

Souvent dès le réveil, très tôt je la convie 
Pour coucher tous ces mots, des rêves de la nuit
Pour cueillir ces bouquets de pensées trop profuses
Les saisir avant, qu'elles deviennent confuses.