Le trousseau de clés.

Mais où est donc passé le gros trousseau de clés 
Celui que l’on balance aussitôt que rentré
Celui qui l’on ne cherche que quand il s’est caché 
Celui qui nous ouvrait sans férir les accès ?

Combien fait on ce geste sur combien de serrures
Au long d’une journée que tourner une clef ?
Ce petit bout de fer qui a pour vraie nature
De n’exister vraiment que lorsqu’il va manquer.

La véritable plaie de ces temps entre nous
C’est que nos libertés sont mises sous verrous
Quand toute la journée on dépend des accès 
Que peuvent nous ouvrir toutes sortes de clés.

Comptez d’abord les cartes dedans vos portefeuilles 
Carte d’identité comme carte bancaire
Carte dite vitale, ces cartes que l’on cueille
Pour vivre au jour le jour de façon ordinaire.

Comptez toutes ces clefs de maison, de voiture
Celles de vos bureaux et de tant de serrures
Celles qui vous protègent de toutes intrusions
Celles qui ferment aussi tous ces lieux de prison.

Comptez donc tous les codes de vos sites divers
Où vous gardez secrets vos petites affaires
Ces codes sans lesquels vous virez vite au vert
Dès lors que leur oubli vous met tout à l’envers.

Dans les temps d’autrefois on n’avait qu’une clef
Celle de la maison pour ceux qui en avait
Celle aussi du coffre pour les bourgeois d’alors
Mais guère plus de clés que celles là en dehors.

Ne sommes-nous devenus par nous mêmes des clés
On est des numéros sur des listes, listés 
Numéros d’accès pour des possibilités
Nous n’aurons bientôt plus d’autre identité.