Débâcles

Voilà que me surprend à n’écrire à présent 
Que des chansons trop sages, trop tristes sur le temps,
Sans doute effet de l’âge où fuient les illusions
Quand les jours tous se chargent d’une masse de plomb.

Mais qu’aurais-je écrit si j’avais mes vingt ans
Les élans de passion qui bouillaient dans mon sang ?
L’envie de dévorer à pleine dents la vie
Le désir de changer le monde d’aujourd’hui ?

J’avais d’abord à vivre plus qu’à tout méditer 
J’avais chemin à suivre et à débroussailler 
Une place à construire, famille à créer 
Et aussi à m’instruire pour mieux tout débrouiller.

Je regarde devant tout autant que derrière 
Je vois ce qui attend l’humanité entière 
Qui passe tout son temps à ses humeurs guerrières 
Plutôt que d’assurer son destin sur la terre.

Comment pourrais-je alors éprouver d’enthousiasme ?
Quand je la vois sombrer chaque jour dans les miasmes 
De ses conflits sans fin, de ses pires penchants 
Plutôt que d’écouter les conseils des savants.

J’avais vingt ans hier mais qu’en ai-je donc fait ?
Sinon tenter de vivre comme on fait mes aînés.
Je n’avais dans les mains hélas pas les leviers
Qui m’auraient permis de ce sort dévier.

Et je vois maintenant ceux qui ont ce pouvoir
Ne rien faire toujours qu’augmenter leurs avoirs.
Agir tout comme s’ils n’étaient pas responsables
Des débâcles annoncées et hélas fort probables.